J.O. 24 du 29 janvier 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 02098

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Circulaire du 26 janvier 2004 prise pour l'application de l'arrêté du 26 janvier 2004 relatif à la protection du secret de la défense nationale dans le domaine de la protection et du contrôle des matières nucléaires


NOR : INDI0402369C



La loi du 25 juillet 1980 relative à la protection et au contrôle des matières nucléaires fixe les obligations des entreprises qui détiennent, transportent, importent, exportent les matières nucléaires susceptibles d'être utilisées à des fins de prolifération (plutonium, uranium, etc.). Les obligations ainsi faites portent principalement sur des mesures de protection physique prises pour prévenir tout acte de malveillance à des fins de vol, de détournement de matières ou de terrorisme.

Le décret no 81-512 du 12 mai 1981 relatif à la protection et au contrôle des matières nucléaires précise, en son article 1er, le champ d'application de la loi de 1980 en limitant son application aux matières suivantes, considérées comme proliférantes : le plutonium, l'uranium, le thorium, le tritium, le lithium 6. La loi de 1980 s'applique donc, à l'exception des minerais, aux matières dites nucléaires qui contiennent les éléments précités ou leurs composés.

Ce même décret prévoit, en son article 15, la confidentialité des mesures de protection physique. Il en est de même en ce qui concerne les conditions techniques du suivi et de la comptabilité des matières nucléaires (arrêté du 16 mars 1994, art. 3).

L'arrêté du 26 janvier 2004 a donc été publié pour préciser le domaine d'application du secret de la défense nationale dans le cadre de la protection et du contrôle des matières nucléaires figurant à l'article 1er et à l'annexe du décret no 81-512 du 12 mai 1981. Il concerne les mesures de contrôle et de protection contre les actes de malveillance mises en oeuvre sur les sites autorisés à détenir des matières nucléaires proliférantes et au cours des transports. De même, il couvre les exercices ayant pour objet de tester l'efficacité de ces mesures.

Cet arrêté n'autorise donc pas l'utilisation de la protection liée aux secrets de la défense nationale à d'autres domaines que ceux rappelés ci-dessus, et notamment pour l'exploitation courante des installations nucléaires ou pour les questions de sûreté ou de radioprotection, même en cas d'incident. Dans ce champ limité de la protection physique des matières nucléaires, les seules informations classifiées, c'est-à-dire couvertes par le secret de défense, sont celles dont la divulgation pourrait affaiblir ou annihiler la sécurité et la protection physique de ces matières.

L'arrêté du 26 janvier 2004 publié au Journal officiel du 29 janvier 2004 a été pris en application, d'une part, de l'article 413-9 du code pénal et, d'autre part, de l'article 6 du décret no 98-608 du 17 juillet 1998 relatif à la protection des secrets de la défense nationale. Ce dernier énonce en effet que, dans les conditions fixées par le Premier ministre, les modalités d'organisation de la protection des informations ou supports classifiés « Secret-Défense » ou « Confidentiel-Défense » sont déterminées par chaque ministre pour le département dont il a la charge.

L'arrêté du 26 janvier 2004 permet ainsi de donner une base réglementaire à la classification d'informations sensibles relatives à son objet et aux domaines énumérés à son article 1er.

Cette circulaire a pour objet, dans ce cadre, de rappeler les conditions de mise en oeuvre de la réglementation relative à la protection des secrets de la défense nationale dans le domaine de la protection des installations et des matières nucléaires.


1. Généralités


Encadrés notamment par les dispositions contenues dans la loi no 80-572 du 25 juillet 1980, le décret no 81-512 du 12 mai 1981 et ses arrêtés d'application, le contrôle et la protection des matières nucléaires s'imposent pour des raisons tenant à la fois à la sécurité nationale et aux engagements souscrits par la France dans le domaine de la lutte contre la prolifération et le terrorisme.

Les obligations ainsi faites portent principalement sur des mesures de protection physique prises pour prévenir tout acte de malveillance à des fins de vol, de détournement de matières ou de terrorisme. Les pouvoirs publics et les exploitants sont, en conséquence, amenés à mettre en oeuvre des mesures de sécurité particulières, destinées à assurer la protection des informations ou procédés techniques liés à l'usage, à la détention ou au transport des matières concernées (listées à l'article 1er et classées dans le tableau annexé audit décret).

La loi no 80-572 du 25 juillet 1980 et ses textes d'application prévoient d'ailleurs la confidentialité des mesures de protection physique appliquées à ces matières.

L'arrêté du 26 janvier 2004 a donc été publié pour préciser le domaine d'application du secret de la défense nationale dans ce domaine. Il n'autorise donc pas son utilisation pour d'autres raisons, et notamment pour l'exploitation habituelle du nucléaire, même en cas d'incident, ou pour les questions de sûreté ou de radioprotection.

Dans ce champ limité de la protection physique et du contrôle des matières nucléaires, les seules informations classifiées, c'est-à-dire couvertes par le secret de la défense nationale, sont celles dont la divulgation pourrait affaiblir ou annihiler la sécurité et la protection physique de ces matières.

Les informations ou procédés à protéger présentent un caractère de secret de la défense nationale, tel que défini par les dispositions du décret no 98-608 du 17 juillet 1998 et de l'arrêté du 25 août 2003 relatif à la protection du secret de la défense nationale portant en annexe l'instruction générale interministérielle no 1300/SGDN/PSE/SSD sur la protection du secret de la défense nationale, lorsque leur connaissance ou leur divulgation est de nature à nuire, de manière plus ou moins grave, à la défense nationale. De ce degré de gravité dans le risque d'atteinte à la défense nationale découlent trois niveaux de classification ainsi définis :

- le niveau « Très Secret-Défense » est réservé aux informations dont la divulgation est de nature à nuire très gravement à la défense nationale et qui concerne les priorités gouvernementales en matière de défense ;

- le niveau « Secret-Défense » est réservé aux informations dont la divulgation est de nature à nuire gravement à la défense nationale ;

- le niveau « Confidentiel-Défense » est, enfin, réservé aux informations dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale classifié au niveau « Très Secret-Défense » ou « Secret-Défense ».

La mise en oeuvre de la classification doit tenir compte des règles suivantes :

- une mesure de classification ne saurait être automatique : il appartient à la personne ou à l'organisme émetteur de l'information d'apprécier, au cas par cas et sous sa responsabilité exclusive, s'il y a lieu d'y procéder ;

- toutes les informations qui doivent être protégées nécessitent l'utilisation d'une mention de classification qui doit être portée sur le support de l'information (objet, document, procédé, etc.) ;

- tout extrait d'information classifiée doit recevoir la classification appropriée à son contenu, sous réserve de ne pas citer les sources de l'information. Il peut ne pas impliquer d'obligation de classification ;

- tout dossier reçoit obligatoirement une classification au moins égale à celle du document le plus sensible qui y est inclus. Il peut recevoir une classification si l'ensemble des informations qu'il rassemble l'exige, même si aucun des documents rassemblés ne fait l'objet d'une classification.


2. La protection des matières nucléaires


Ainsi que l'énonce l'arrêté du 26 janvier 2004 et compte tenu de leur nature sensible, les informations relatives aux matières nucléaires précitées et concernant :

- les mesures de surveillance, de confinement, de protection physique, suivi et comptabilité qui leur sont appliquées ;

- les systèmes et processus permettant la mise en oeuvre de leur protection et de leur contrôle ;

- les mesures de sécurité et de protection physique qui leur sont appliquées en cours de transport ;

- les exercices relatifs à leur protection physique, sur sites ou en cours de transport,

présentent un caractère de secret de la défense nationale dès lors que leur divulgation est de nature à nuire ou à nuire gravement à la protection physique de ces matières.

Par conséquent, toute information relevant de l'un des quatre items précités qui, seule ou mise en relation avec d'autres, peut affaiblir voire annihiler cette protection doit faire l'objet de mesures adaptées destinées à restreindre sa diffusion et empêcher sa consultation non autorisée.

A l'inverse, toute information relevant de ces domaines mais qui ne serait pas exploitable dans le but de porter atteinte aux matières nucléaires concernées n'a pas à faire l'objet de mesures de protection particulières dans le cadre de ce dispositif.


3. La communication dans le domaine

des matières nucléaires


La politique de transparence et de communication initiée depuis plusieurs années par les principaux acteurs du secteur industriel nucléaire civil est maintenue. L'arrêté du 26 janvier 2004 a pour but de restreindre le champ d'application du dispositif de protection du secret de la défense nationale au seul domaine de la protection physique des matières énumérées par le décret no 81-512 du 12 mai 1981.

Il est rappelé, par conséquent, que les informations et études relatives à la sûreté des matières nucléaires (ce domaine pouvant être défini comme l'ensemble des dispositions prises, d'une part à tous les stades de l'exploitation d'une installation nucléaire, d'autre part à la conception, à la fabrication et à l'utilisation des emballages de transport, pour prévenir les accidents liés aux matières qui y sont utilisées ou pour en limiter les effets radiologiques) ou à tout autre domaine non visé par l'arrêté du 26 janvier 2004 sont exclues de son champ d'application. La sécurité des matières nucléaires a donc pour objet leur protection contre des actes de malveillance, la sûreté ayant pour objet la protection des populations et du biotope contre les risques liés à l'utilisation de ces matières.

Dans ces conditions, le rôle des organismes de transparence tels que le Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires ou l'Association nationale des commissions locales d'information n'est en aucune façon modifié par les dispositions de l'arrêté du 26 janvier 2004.

En outre, il est rappelé que la volonté de transparence exprimée par le Gouvernement s'étend également au domaine de la protection physique, dès lors que les informations diffusées ne sont pas ou plus susceptibles d'affaiblir la sécurité des matières nucléaires concernées. C'est ainsi que, régulièrement, des bilans sur les transports passés seront rendus disponibles par le service du haut fonctionnaire de défense du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et que celui-ci ou son représentant pourra être entendu, à leur demande, par les organismes précités.


4. Le contrôle des matières nucléaires


Les informations relatives au suivi et à la comptabilité des matières nucléaires comportent rarement des éléments susceptibles d'intéresser la défense nationale. Il convient d'en juger au cas par cas, mais il pourra, en l'absence de tels éléments, ne leur être appliqué que de simples mesures de confidentialité à l'instar de toute production interne à un organisme public ou privé. Toutefois, il est rappelé que la compilation de ces données - lorsqu'elle rassemble le type, la masse et la localisation géographique précise des matières nucléaires concernées et lorsqu'elle est susceptible de mettre en péril leur sécurité - peut conduire, ainsi que le rappelle l'article 38 de l'instruction générale interministérielle no 1300/SGDN/SSD du 25 août 2003 sur la protection du secret de la défense nationale, à la production d'un document nécessitant une protection particulière au titre de la défense nationale.

Il est rappelé que l'échange d'informations sensibles avec les institutions de l'Union européenne devra s'effectuer conformément à la circulaire interministérielle du 3 mai 2002 relative à la protection des informations classifiées de l'Union européenne. Concernant les échanges avec EURATOM, il pourra également être mis en oeuvre le dispositif spécifique prévu par le règlement du Conseil CEEA no 3, du 31 juillet 1958, portant application de l'article 24 du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique.


5. Le transport des matières nucléaires


En ce qui concerne les transports des matières nucléaires, les règles suivantes devront être appliquées :

- l'ensemble des données et modalités relatives aux transports de matières nucléaires de catégories I et II « non irradiées » est à classifier au titre de la protection du secret de la défense nationale, dès lors que leur divulgation est de nature à nuire ou à nuire gravement à la protection physique de ces matières nucléaires dans les domaines de la prévention de la malveillance et de la prolifération, et sous réserve des dispositions énoncées supra ;

- en revanche, et en l'état actuel des menaces existantes, il n'y a pas lieu de classifier les informations relatives aux transports des matières nucléaires de catégories II « irradiées » et III. Il convient de noter cependant que la connaissance de menaces particulières pourra amener le haut fonctionnaire de défense à faire évoluer ce dispositif.

Enfin, les données et modalités relatives à la sûreté et à la radioprotection des transports sont exclues du champ d'application de l'arrêté du 26 janvier 2004.


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Le service de sécurité des infrastructures économiques et nucléaires du haut fonctionnaire de défense du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie peut être interrogé en tant que de besoin pour toute difficulté, générale ou particulière, liée aux présentes dispositions, notamment à l'occasion des actions de communication entourant certains transports de matières nucléaires.



Pour la ministre et par délégation :

Le haut fonctionnaire de défense,

D. Lallemand



A N N E X E

MATIÈRES LISTÉES

PAR LE DÉCRET N° 81-512 DU 12 MAI 1981

Article 1er


La liste des éléments fusibles, fissiles ou fertiles figurant à l'article 1er de la loi du 25 juillet 1980 susvisée sur la protection et le contrôle des matières nucléaires est précisée comme suit : plutonium, uranium, thorium, deutérium, tritium, lithium 6.

Sous réserve des dispositions de l'article 11 de ladite loi, les dispositions du présent décret s'appliquent, à l'exception des minerais, aux matières, dites matières nucléaires, qui contiennent les éléments précités ou leurs composés.



Annexe au décret no 81-512 du 12 mai 1981


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 24 du 29/01/2004 page 2098 à 2101